1788

Mémoire et lettre du Petit Conseil de Genève au Conseil de la ville de Sion

Les suites du terrible incendie de 1788...un immense chantier soutenu par des actes de générosité

La date du 24 mai 1788 reste longtemps gravée dans les mémoires des Sédunois. En effet, après la crue de la Sionne en début d’année, voilà que la ville de Sion est la proie des flammes : plus d’un tiers de la ville part en fumée. Les chiffres varient quelque peu selon les sources, mais au moins 126 maisons, une centaine de granges et écuries finissent en ruines. Pire encore, le château épiscopal de Tourbillon, la résidence de France, la nouvelle chancellerie d’État, achevée en 1780, et le toit de la cathédrale sont détruits. Ce sont aussi plusieurs objets précieux, meubles et surtout documents d’archives de l’Évêché qui disparaissent à jamais. La rapidité avec laquelle le feu progresse, attisé par le vent, la chaleur et la sécheresse, surprend tout le monde. Gagnée par la panique, la population ne peut en venir à bout, malgré toutes les bonnes volontés. Selon les autorités, les dégâts s’élèvent à un million d’écus. Il faut compter là non seulement les frais de déblaiement des décombres et gravats des bâtiments endommagés par le feu, mais aussi bien entendu ceux des reconstructions.

A la suite de cette catastrophe, le bourgmestre et le Conseil de la ville de Sion rédigent une description de l’incendie et dressent le bilan des dégâts causés par les flammes. Ils envoient des lettres aux cantons Confédérés – au nombre de treize – au résident français à Soleure et à plusieurs Conseils de villes suisses, implorant le secours et la bienveillance de leurs alliés et voisins.

C’est ici la générosité des Genevois qui se manifeste. Le Petit Conseil de la ville de Genève, sensible à la détresse des Sédunois et soucieux d’entretenir les relations « d’amitié et de bon voisinage » a organisé une grande collecte en faveur des incendiés, le 11 août. Le mémoire imprimé dresse la liste des membres du Conseil des Deux-cents, des dizeniers et sous-dizeniers chargés d’effectuer cette collecte dans les différentes « dizaines » – il s’agit d’arrondissements administratifs de la ville de Genève, correspondant à des quartiers. Les dizeniers, assistés d’un sous-dizenier, sont à la tête de chacune des vingt-quatre dizaines que compte la ville et remplissent des fonctions à la fois administratives, fiscales, policières, ecclésiastiques et militaires.

Après cette action, le Petit Conseil écrit, le 23 août 1788, « aux Magnifiques Seigneurs, Messieurs le Bourguemaître et Conseil de la ville de Sion, nos très chers et bons voisins et singuliers amis » pour leur faire part du résultat de la collecte et leur demander à qui remettre la somme. Ils expriment également leur volonté de voir cette somme entièrement affectée au secours « des pauvres particuliers de votre ville qui ont perdu leurs biens par l’incendie et ce proportionnellement au dommage que chacun d’eux peut avoir souffert. »

Les immenses travaux consécutifs à l’incendie de 1788 n’auraient pas été possibles sans la générosité de la Bourgeoisie de Sion, d’une part, qui donne gratuitement à tous les bourgeois les matériaux nécessaires à la reconstruction (bois de la forêt de Thyon, chaux et plâtre), mais aussi, d’autre part, grâce à celle des alliés de la ville, Genève et d’autres villes et cantons, ainsi que celle de l’abbé d’Einsiedeln qui consent à prêter à la ville 3000 louis d’or de France et renonce, après les troubles de la révolution, à réclamer l’intégralité du remboursement de la dette.

Merci donc, chers voisins, pour votre générosité du temps passé !

Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion