1509

Bulle pontificale pour la fondation d’une confrérie

Les splendeurs de Rome: bulle du pape Jules II

Mathieu Schiner, au tout début de son épiscopat, se montre moins actif sur la scène internationale, et très impliqué dans l’action pastorale en Valais. Pleinement conscient de la nécessité de réformer l’Eglise, il entreprend plusieurs visites de l’ensemble des paroisses de son diocèse. Il dispense des confirmations, prêche en langue vernaculaire, s’efforce de lutter énergiquement contre les manquements et les abus de l’Eglise, en donnant des directives très précises et en veillant à leur application dans chaque paroisse. Il est aussi bâtisseur…En 1505, il permet le transfert de l’église paroissiale à Rarogne sur la colline qui surplombe le village, où se trouvaient les ruines d’une ancienne tour, que le tailleur de pierre, architecte et ingénieur Ulrich Ruffiner transforme en une église, aux murs ornés de splendides fresques représentant notamment le Jugement dernier. A Sion, Schiner encourage la suite des travaux de reconstruction, à ses frais, de l’église Saint-Théodule, à l’emplacement d’une église plus ancienne démolie, travaux toujours sous la conduite du même Ulrich Ruffiner. Il incite aussi des bienfaiteurs à se manifester et, pour ce faire, obtient une lettre d’indulgence signée par vingt-deux cardinaux, en vertu de laquelle tous les fidèles qui accepteront de contribuer à la construction ou à l’embellissement de l’édifice, recevront 100 jours d’indulgence. En 1509, il obtient de Rome une seconde lettre d’indulgence, afin de terminer les travaux de l’église. Pour compléter ces revenus, il envoie des quêteurs parcourir tout son diocèse. Or, Schiner, entre-temps devenu cardinal, contraint à l’exil jusqu’à sa mort en 1522, ne peut achever les travaux. En 1644, l’évêque Adrien III de Riedmatten achève, enfin, le chantier resté à l’abandon pendant plus d’un siècle !

Le premier décembre 1507, poussé par sa grande dévotion et son ambition, Mathieu Schiner fonde, à ses propres frais, dans le chœur de cette nouvelle église Saint-Théodule un autel et une chapelle en l’honneur de l’Immaculée Conception, de sainte Anne et de saint Théodule, premier évêque du Valais, ainsi qu’une confrérie de cent personnes, réunissant hommes et femmes, religieux et laïcs. A noter que la croyance en la conception de Marie exempte du péché originel, attestée déjà chez les Pères de l’Eglise, ne sera reconnue qu’en 1854 comme dogme de l’Eglise catholique, dogme de l’Immaculée Conception. Revenons à présent au contenu de la bulle : elle précise qu’un office doit être célébré quotidiennement sur cet autel. La création de la confrérie vise à assurer son entretien et la célébration régulière des messes. Les membres de la confrérie, dont l’évêque est le premier, jouissent du droit de choisir leur propre confesseur, un prêtre séculier ou régulier, qui dépend directement du Saint-Siège. Au décès de l’un des membres, les autres peuvent désigner un remplaçant, pour peu que la majorité d’entre eux y consente.

A l’initiative de Schiner, le pape Jules II accorde des privilèges à cette confrérie, érigée sous le titre de l’Immaculée Conception, par cette bulle datée du 4 janvier 1509. Il rappelle la fondation de l’autel et de la chapelle, expose les motifs de l’institution de la confrérie. Le privilège s’accompagne toutefois d’une mise en garde : si d’aventure l’un des membres en viendrait à commettre des actes illicites, encouragé par cette insigne faveur accordée par le pape, ou à s’écarter de la pureté de la foi, de l’unité avec l’Eglise romaine, de l’obéissance et de la dévotion envers le souverain pontife, Jules II se réserve le droit de retirer ce qu’il a concédé. Cette bulle, rédigée sur parchemin, dans une écriture élégante, attire le regard par le somptueux décor végétalisé : un rinceau formé d'une longue tige ornée de glands, de fleurs, de feuilles  de vigne et d'acanthe. L’ornementation du I initial, mis pour Julius, le pape Jules II (le i et le j étant confondus dans l’alphabet latin) et la fine réglure, encore visible, témoignent du soin apporté à la rédaction. Le caractère solennel et officiel se perçoit à la bulle de plomb du pape, pendant sur lacs de soie rouge et jaune. Cette bulle porte deux faces, l’une, l’avers, avec les effigies de saint Pierre, à droite, et de saint Paul, à gauche, l’autre, le revers, avec le nom du pape.

Le pape Jules II partage avec Schiner un certain penchant pour la guerre. Il espère pouvoir compter sur lui pour obtenir le soutien militaire des Suisses, dans le contexte tendu des guerres d’Italie. Il s’empresse donc de lui donner satisfaction et de confirmer cette fondation. Plus tard, en remerciement pour les services diplomatiques que lui a rendus l’évêque de Sion, notamment en favorisant la conclusion d’une alliance entre la papauté, les cantons Confédérés et le Valais (14 mars 1510), il lui accorde la pourpre cardinalice, en 1511.

Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion