1583

Ratement et règlement de l’alpage de Thyon

Les bourgeois de Sion à l’alpage de Thyon

L’alpage de Thyon revêt une grande importance économique dans la région de Sion. En plus d’exploiter leurs forêts sur le Cône de Thyon, les bourgeois de Sion envoient aussi leur bétail pâturer dans les hauteurs, en respectant toutefois une procédure bien réglementée.

En 1583, un nouveau ratement de l’alpage de Thyon, aux lieux-dits « en Lestro de la Cachyeryz » et « en Lestro de la Larsy », a été établi. Il s’agit d’une liste, mise à jour, de la répartition des fonds ou droits d’alpage sur la montagne de Thyon entre les différents consorts – copropriétaires d’un alpage possédé et exploité en commun. Chacun d’eux possède en effet une certaine part, un fonds, autrement dit un certain nombre de droits consistant en cuillerées. L’unité de base, la cuillerée, équivaut à une demi-vache – étranges unités de mesure à nos yeux...mais qui se comprennent aisément, si l’on songe au principal produit de l’alpage! Pour alper une vache, il faut posséder un droit d’au moins deux cuillerées. Chacun, au prorata de ses droits, peut bénéficier de l’herbage, puis de fromages!

 

La liste énumère tous les consorts, en indiquant leur nom, leur filiation et leur époux, pour les femmes. Parfois, le propriétaire se révèle être un ensemble de plusieurs héritiers ou enfants. Ainsi, Catherina, fille de feu Petrus Gilliod, épouse du bourgeois de Sion Johannes Niclas, possède 5 cuillerées et demie et le tiers d’une autre cuillerée, « en Lestro de la Cachyeryz » et 16 cuillerées « en Lestro de la Larsy ».

A la suite du ratement, le 16 mai 1588, à Sion, sur le Grand Pont, les consorts de l’alpage de Thyon se réunissent en présence du notaire public Egidius Jossen alias Banmatter, lui-même bourgeois de Sion et propriétaire d’un droit précis de 8 cuillerées trois quarts. Tous les participants sont énumérés dans une longue liste, en commençant par les plus prestigieux: Petermandus de Platea, banneret du dizain de Sion, Johannes de Lovina, ancien châtelain de Sion et bien d’autres, y compris le mari de notre Catherina, Johannes Niclas. Ils établissent un règlement composé de 17 articles que tous les membres du consortage doivent désormais observer. Le premier article prévoit qu’il faut posséder au minimum une cuillerée de droit d’alpage pour être considéré comme consort de l’alpage. Sont énumérées les conditions pour alper une vache, des veaux, des porcs – attention ceux-ci doivent être munis d’un anneau en fer dans les naseaux et il faut veiller à ce qu’ils ne dévastent pas l’alpage, sous peine d’une amende de 3 sous et d’une compensation selon l’importance des dommages causés, qui peut aller jusqu’à la privation des fromages! Les chevaux et les chèvres, en revanche, sont interdits. Chacun des consorts est tenu d’envoyer et de payer un ouvrier, à la mi-mai et jusqu’à la fin du mois, pour arracher les genévriers et les autres buissons indésirables que les vaches refusent de brouter. Enfin, le dernier article interdit de revendre les droits à autrui, si ce dernier n’est pas lui-même consort de l’alpage...n’entre pas qui veut dans un consortage d’alpage et les fonds sont un bien précieux!

La couverture en parchemin servant de protection à ce petit cahier de 18 feuillets de papier concerne une tout autre affaire…Le 18 mars 1543, à Sion, les frères Berthodi, bourgeois de Sion, sont réunis dans la maison du notaire Claudius de Vinea, également bourgeois de Sion. Johannes Berthodi reconnaît avoir reçu de son frère Stephanus, marchand, la somme de 500 florins petit poids de Savoie, chacun valant 12 gros, monnaie en usage à Sion. Cette somme correspond au prix de vente d’une maison, avec cave située en-dessous, dans le quartier de la Cuve. Il s’agit donc ici de la quittance complétant une vente, elle aussi passée le même jour par le même notaire. L’acte a été, par la suite, grossoyé par un autre notaire, Nicolaus de Casalibus, venu du diocèse de Genève, sans doute un scribe ou auxiliaire de Claudius de Vinea. Ce dernier a, malgré tout, ajouté sa propre signature avec paraphe, en bas à droite. Bel exemple de collaboration entre frères et entre notaires!

Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion