1632

Acte de limitation entre Sion et Vex

Retour aux possibles origines du Gouilly : la visite des limites du territoire de la ville de Sion

Les bourgeois de Sion montent dans leur forêt de Thyon, profitant de la chaleur estivale, en ce 16 juillet 1632. Il s’agit de contrôler et visiter les limites entre leur territoire et celui de Vex et ainsi de veiller sur la richesse que constitue leur forêt, à la fois source d’approvisionnement en bois de construction ou de chauffage et zone de pâture. Comme le rappelle le préambule de cet acte sur parchemin, toutes les affaires et actions humaines sont menacées d’être ensevelies dans l’oubli, au cours du temps, à cause de la mémoire défaillante des hommes, à moins d’être conservées par écrit. La mise par écrit sur un feuillet de papier ou de parchemin sert de témoignage et d’aide-mémoire puissant pour les générations futures.

Aussi, des représentants désignés des deux communautés se réunissent. Sans vouloir dérouler tous les noms de la longue liste, les représentants du côté sédunois sont Jean Udret, banneret et vice-bailli en tant que consul de la ville, Balthasar Ambuel, châtelain du dizain de Sion et colonel, Martin Kuntschen, capitaine général, plusieurs fois consul et châtelain, Hildebrand Waldin, secrétaire de la ville, et bien d’autres bourgeois de haut rang ; les habitants de Vex, quant à eux, envoient Slyve Guilliod, notaire, major et capitaine, Barthélemy Rudaz, métral des Agettes, Gilles Bomben, lieutenant, et beaucoup d’autres. Là aussi, l’acte énumère une longue série de noms.

Le but de cette excursion: contrôler les bornes et pierres marquant les limites, les replacer ou les dresser là où cela serait nécessaire, « afin d’éviter tous les litiges, querelles, controverses ou procès » susceptibles de naître entre les deux parties. En effet, les limites consistent en croix gravées sur des pierres. Avec le temps, celles-ci peuvent s’effacer ; il faut donc périodiquement les graver à nouveau. Les pierres peuvent aussi s’affaisser ; il faut donc les redresser. Dans l’acte de limitation, chacune des pierres servant de limites, les marques, croix ou dates, qu’elles portent, parfois leur forme, couleur et éventuelles aspérités sont décrites précisément. Sur plusieurs des bornes, la date de cette année 1632 est gravée au côté d’inscriptions plus anciennes. Les limites de la forêt bourgeoisiale de Thyon se situent en altitude, loin de la ville. Leur visite impose donc une longue marche, avec préparatifs et ravitaillement obligatoires. La visite est ponctuée de plusieurs haltes auprès de chaque pierre, où les représentants des deux communautés procèdent aux vérifications et aux éventuels redressements ou marquages nécessaires. Il faut compter, en partant de la plaine, près de Longeborgne, le point de départ, jusqu’au sommet surplombant l’alpage de Thyon (“ou Grand Darbex”), le point culminant et le terme de l’expédition, pas moins de 25 étapes. Un sacré labeur!

L’habitude de visiter la forêt, de contrôler les limites, en suivant un parcours bien défini, de désigner les arbres à couper et de vérifier l’état de la forêt, remonte loin en arrière et cette excursion, durant laquelle les participants cheminent, font halte, conversent ensemble, partagent leurs repas, s’est sans doute développée insensiblement pour aboutir à la sortie du Gouilly actuelle.

En ce jour de juillet 1632, la limitation est terminée et approuvée : l’acte est conclu au sommet du « Grand Darbex », rédigé en deux exemplaires, un pour chacune des parties en présence. Les témoins proviennent des communautés avoisinantes d’Hérémence, de Nendaz et Veysonnaz. Les deux notaires Barthélemy Berodi et Jean Columbin, tous deux bourgeois de Saint-Maurice et habitants de Sion, ont assisté à la limitation, en personne. Ils apposent leur seing au bas de l’acte.

Au dos du parchemin, la grotesque ornant la lettrine du mot limitatio témoignerait-elle de l’humeur des participants au terme de cette longue promenade ? Osons espérer que non !

Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion