1249

Rente pour un droit de passage

Parmi les plus anciens documents conservés dans le fonds des archives de la Bourgeoisie de Sion figure ce petit parchemin, qui l’air de rien, affiche un âge respectable !

Johannes li Abandonaz a donné en fief pour 15 sous, 4 deniers de service et 6 de plait   ̶  il s’agit d'une rente annuelle et d'un droit de mutation à payer par le tenancier du fief  ̶  à Syunet de Prato le droit de passage vers le verger de ce dernier à travers son pré de Belafasci et par le pré qu’il tient en fief de l’hôpital de Sion, non loin du Rhône. Cette brève mention nous renseigne que la ville de Sion est déjà dotée, en 1249, d’un hôpital bien implanté, capable d’assurer sa subsistance par les revenus de rentes féodales perçues sur des terres en sa possession. Selon toute vraisemblance, il s’agit d’un pré appartenant à l’hôpital Saint-Jean-l'Evangéliste administré à cette époque-là par le Chapitre cathédral et mentionné dès le milieu du XIIème siècle, placé, dès 1569, sous la responsabilité des seuls bourgeois. Deux témoins sont, semble-t-il, des artisans : Wido Sutor  ̶  sutor pourrait renvoyer à son métier de cordonnier  ̶  et Willermus Pelleparius  ̶  quant au pelliparius, il s’agit d’un pelletier. Le statut des autres témoins n’est pas précisé : Willermus de Magi et Borcardus d’Ardon. Et enfin, Petrus Billonis est le clerc qui, au nom de Normand d’Aoste, chantre-chancelier de Sion, a levé ou reçu l’acte  ̶  pris note des déclarations des parties impliquées, sans rien ajouter, ni retrancher.

Le chanoine Normand d’Aoste, fils de Mathilde de Challant ou d’Aoste, établie à Naters, et de Guillaume, frère du major de l’évêque, est chantre-chancelier, autrement dit chef de la chancellerie de Sion, de 1249 à sa mort survenue le 6 mai 1285. Ce titre de chantre-chancelier est une des dignités importantes du Chapitre de Sion, bien que cette fonction ne constitue qu’une étape souvent assez brève dans la carrière des chanoines. Normand d’Aoste fait exception, puisqu’il exerce, au contraire, son activité sur une très longue période et s’implique, semble-t-il, beaucoup dans l’organisation des tâches et la répartition du travail au sein du personnel de la chancellerie. Celui-ci s’étoffe d’ailleurs considérablement pendant sa charge.

Nous voyons intervenir ici trois personnages pour la réalisation de l’acte: aux côtés du chantre-chancelier Normand d’Aoste, sont mentionnés le levator, le clerc Petrus Billonis qui a levé ou reçu l’acte, c’est-à-dire entendu les déclarations des parties prenantes, les a notées et transmises, ensuite, au scribe, le notaire Willermus, chargé, quant à lui, de rédiger l’acte sur le parchemin. A noter que la date du 24 juin 1249 ─ complétée par le nom de l’empereur et de l’évêque, ici Henri Ier de Rarogne ─ est celle de la levatio, et non celle de cette rédaction postérieure.

Les chartes de chancellerie sédunoise se caractérisent par leur simplicité  ̶  elles ne possèdent, en effet, ni sceau, ni seing manuel comme signe de validation  ̶  et par la formule de notification ou d’introduction « Notum sit omnibus Christi fidelibus », dont le N initial de Notum est sobrement décoré, ici par quatre barres horizontales rejoignant les deux barres verticales. Cette formule initiale de notification signifie que « tous les fidèles du Christ » sont invités à prendre connaissance du contenu. L’acte se conclut par une clause spéciale de malédiction divine, accompagnée, si la crainte de Dieu ne suffit pas, d’une amende de 60 livres et une obole d’or, pour quiconque s’aviserait d’annuler ce qui est consigné par écrit. Elle semble avoir été efficace...

Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion